Suites d'accords



Un visiteur m'a écrit : "J'ai du mal à croire que les suites d'accords  sont aléatoires! ce sont des boucles qui sont aleatoires et toi ensuite tu les découpes et les colles pour faire un tout coherent suivant les schemas standards de la pop d'aujourd'hui?"


Et bien non ! Les suites d'accords sont bien fractales, je ne découpe rien, je boucle rien et je ne déplace rien. C'est d'ailleurs la seule règle que je me suis fixé : Laisser l'algorithme fractal se dérouler mathématiquement sans intervenir dans le processus. Une fois l'agorithme choisi, les partitions construites, ma seule intervention est de "muter" (couper le son) certaines parties à certains moments, construisant ainsi un morceau. Les breaks aussi sont fractals. Par moments, dans la séquence il y a des blancs, ce sont les breaks.

Mais c'est vrai que c'est étrange, on a parfois l'impression qu'un thème se répète, on entend un accord ou une suite d'accord qui revient mais il est très difficile de déterminer la fin de ce thème, il ne recommence pas toujours là où on l'attend. 
Parfois un thème se répète à l'identique un certain nombre de fois puis change, donnant l'impression d'un nouveau thème ou d'une variation.

Deux questions se posent :
1) - Qu'est-ce qui donne cette impression qu'un accord est le début d'un thème ?
2) - Comment une suite de résultats (d'accords) se répète un certain nombre de fois puis change sans qu'on intervienne ?

Le début du thème

La première question relève de la théorie de la musique et du principe des cadences. Naturellement (pour un être humain) une suite de notes ou d'accords demande une résolution, l'oreille réclame une conclusion. En gros, une mélodie peut se conclure de 2 manières différentes : Soit sur la tonique, c'est le cas de beaucoup de musiques traditionnelles européennes, la musique bretonne par exemple, soit sur une note qui appelle la première note de la mélodie, c'est le cas des musiques issues de blues.

Mais qu'est-ce qu'une cadence ?
C'est une succession harmonique (suite d'accords) qui donne le sentiment d'un repos dans la phrase musicale.
C'est un domaine assez complexe et riche, puisqu'à l'aide de différentes cadences le compositeur peut générer un sentiment de ponctuation :

- Point final (cadence parfaite : Dominante - Tonique. C'est le premier cas cité plus haut)
- Point d'interrogation (demi-cadence : Un degré quelconque - Dominante. C'est le 2ième cas. Cette interrogation demande une réponse qui est généralement la reprise de la mélodie.
- Point d'exclamation (cadence plagale : Sous dominante - Tonique)
- Point de suspension (cadence phrygienne)

Cette technique très utilisée en musique classique ou dans les musiques dites savantes. Les musiques actuelles, issues généralement des musiques traditionnelles utilisent, suivant leur style, un type de cadence (avec des variations bien sûr)  correspondant à celle utilisées par leur musiques traditionnelles respectives. Pour entendre différentes cadences il faudra écouter différents styles de musique. Ces cadences jouent un role très important dans la couleur musicale.

Quel rapport avec la musique fractale ?
Cette théorie n'est pas le fait d'une création savante accessible aux seuls initiés. Elle est basée sur l'observation. De la même manière qu'une gamme mineure va donner un sentiment de tristesse ou de mélancolie, ou qu'une gamme majeure donne un sentiment de gaité, une succession d'accord en fin de mélodie va donner un sentiment de ponctuation cité plus haut, et ce, quelque soit l'origine culturelle de l'auditeur.

L'oreille va donc chercher naturellement cette ponctuation et pour peu qu'on lui donne quelques indices elle va la trouver même là où au départ il n'y a qu'une logique mathématique et donc aucune volonté de générer un sentiment.

Les algorithmes fractals proposent une infinité de mélodies, il faut donc choisir. L'utilisateur choisi en fonction de ces goûts et de sa culture musicale. Il aura tendance à sélectionner des mélodies qui lui rappelle quelque chose. C'est là que se joue "l'impression d'un thème qui se répète". Il suffit au moment du choix de faire tourner très très vite (à fond les gamelles) l'algorithme pour entendre s'il y a ou non des répétitions irrégulières. Sans ces répétitions les mélodies deviennent informes et ne font penser à rien de connu. Mais ce peut être justement un choix esthétique.


Les boucles


La deuxième question est mathématique et est liées aux effets des approximations. Les algorithmes fractals générent des nombres réels du type : 0.1542785386522487... Entre 0 et 1 il y a donc un nombre infini d'intermédiaires. Par contre en musique, il n'y a que 7 notes dans une gamme majeur, 7 intermédiaires entre une note et son octave. Il faut donc réduire une infinité de résultats en 1 choix parmi 7.

Par exemple (simple) :
0.1 ; 0.2 ; 0.3 ; 0.4 vont être "réduit" à la valeur 0
Et
0.5 ; 0.6 ; 0.7 ; 0.8 ; 0.9 ;  vont être réduit à la valeur 1

Donc les suites de résultats suivant donneront la même mélodie :
Do Mi Fa Sol Fa
0.100 =>0 1.689 =>2 2.666 =>3 3.568 =>4 2.761 =>3
0.212 =>0 1.995 =>2 2.896 =>3 3.832 =>4 2.793 =>3
0.394 =>0 2.369 =>2 3.256 =>3 4.248 =>4 3.101 =>3
0.458 =>0 2.458 =>2 3.789 =>3 4.365 =>4 3.102 =>3

Certains algorithmes évoluent lentement et presque linéairement à certains moments, passant de 0.1 à 0.2 puis 0.3 et 0.4 en faisant entendre la même mélodie puis "cassent" en passant de 0.4 à 0.5.

En réglant l'algorithme on peut rechercher ces espèces de boucles ou au contraire les éviter. Il arrive parfois que le nombre de répétitions soit trop grand et que l'oreille se lasse...

Autre cause et mystères


La construction des différentes partitions (Basse, Guitare, Orgue...) accentue cette impression de thème. Le même "gimmick" rythmique revient toutes les mesures et si les notes peuvent changer, le rythme reste identique de mesure en mesure, Aidant aisi l'oreille a s'y retrouver

Il y a de plus une évidence, tellement évidente qu'on pourrait l'oublier c'est l'omniprésence de la musique dans notre vie quotidienne qui fait que chaque auditeur enregistre inconsciemmentt un vocabulaire musical assez important. Dans ce vocabulaire musical il y a les enchainements d'accords. Certains enchainements ou suites sont des classiques de certains styles musicaux. Par exemple :

Do / Lam / Fa / Sol : Typique des tubes, rock'n roll et slow des années 60. "Retiens la nuit" de J. Hallyday par exemple

Lam / Sol / Fa / Mi : Typique des classiques espagnols et de la musique latino.

La / La / Ré / La / Mi7 / La  : La suite d'accord incontournable de rock'n roll et du blues. Ye Johnny Be Good !

Mi / Re / La / Mi  : Les Stones dans les années 70...

La liste de ces suites d'accords est très longue et chacune permet de nombreuses variantes. Elles peuvent (et sont souvent) mélangées les unes autres. Mais si la liste est longue, elle n'est pas infinie. Il suffit que l'algorithme fasse appel à un moment donné à une de ces suites (entièrement ou partiellement)  pour que l'auditeur, plus ou moins consciemment l'associe à quelque chose de déjà entendu. Chaque fois que ce déjà entendu revient, on aura l'impression que le thème recommence.

Il reste une cause obscure qui fait tout l'intérèt des algorithmes fractals :

Qu'est-ce qui fait qu'une logique mathématique amène des impressions des sentiments ? Un compositeur , lorsqu'il compose, a pour but de générer des émotions chez l'auditeur. Un algorithme lui, n'a aucun but, aucune volonté, il se déroule mécaniquement. Alors, D'où viennent les émotions, les sentiments, les impressions qui naissent en moi quand j'écoute ces musiques fractales ?

C'est tout pour aujourd'hui.
N'hésitez pas à me laisser un mot.
Kenavo.
01/11/2006








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